Le printemps est là ! Avec lui l’envie de sorties et de cueillettes sauvages, l’envie de faire son jardin… Toutes sortes de raisons pouvant mener à la récolte sauvage de plantes. Une erreur est vite faite par insouciance ou par ignorance. En effet, des espèces protégées ou interdites de transplantation poussent tout autour de nous. Nous vous en présentons quelques unes, venues se faire admirer cette année. Profitons-en pour rappeler quelques conseils utiles que nous développerons plus loin :
- Faites des récoltes nomades ;
- Ne ramassez que ce que vous connaissez et que vous utiliserez ;
- Pour l’ornement privilégiez les graines, voire la bouture, ne transplantez pas de plantes. Attirez les plantes plutôt que de les déterrer (en créant une prairie sauvage sans pesticide ni labour par exemple).
- Ne touchez pas aux orchidées. Dans l’ensemble laissez dans la nature ce qui y est. Surtout si vous n’y connaissez rien.
A – Présentation de quelques espèces à protéger
1 – Orchidées, le Limodore
Toutes les orchidées (orchis, ophrys…) sont protégées d’une façon ou d’une autre, même celles qui ne sont pas menacées. C’est souvent par plaisir, curiosité ou par ignorance qu’elles sont cueillies ou déterrées. Voici le Limodore :
C’est une orchidée sans feuille et sans chlorophylle qui pousse grâce à un champignon. On la trouve dans les racines des chênes verts et des pins. Elle ne pousse pas tous les ans, pourtant, elle nous fait la surprise de pousser cette année alors qu’elle a déjà poussé l’an passé. Et c’est une pousse deux fois plus abondante !
L’an dernier, certains individus ont été coupés avant floraison. Sans doute une confusion d’avec les asperges. Nous ne vous souhaitons pas beaucoup de confusions de ce genre. Si vous confondez les arums et les blettes, vous irez vite manger les pissenlits par la racine.
Cette année, laissez-les tranquilles et faites passer le mot. Il ne sert à rien de les couper ni de les cueillir. Si vous ne les coupez pas, vous pourrez admirer ceci :
2 – Orchidées, famille des Orchis
Les orchis ont plusieurs individus se ressemblant entre eux. S’il est facile de voir l’orchis géant, le néophyte aura pourtant du mal à le différencier de l’orchis pourpre, de l’orchis singe ou de l’orchis à odeur de bouc. Et si l’orchis pyramidal a une toute autre apparence, certains trouveront toujours à le confondre avec autre chose, comme la valériane. Dans le doute, admirez, sans toucher :
Même par tapis entier, pas touche !
3 – Orchidées, famille des Ophrys
Les ophrys ont plusieurs groupes similaires. Ceux qui ressemblent à des insectes et qui ont commencé à pousser en mars :
Et dans un mois ou deux, nous aurons ça :
Il y a aussi le groupe de ceux qui sont jaunâtres et qui arriveront plus tard dans le printemps:
Toutes ces plantes demandent à n’être touchées que du regard !
4 – Anémone
Beaucoup d’anémones et d’adonis sont protégés. En ce moment on peut parfois trouver dans les champs l’anémone couronnée. Elle est protégée :
Le statut de protection est à double tranchant : il interdit de défricher là où elle est présente mais il autorise le défrichage sur les parcelles dont c’est l’usage (les parcelles agricoles). Or, elle a pour prédilection les terrains agricoles de type vignes ou oliveraies.
La seule solution pour l’anémone serait le retour de l’éco-pâturage ou du fauchage, afin d’éviter désherbants et labours. Si vous la voyez dans un champ dont vous connaissez le propriétaire, essayez de le sensibiliser ou de l’encourager s’il a déjà de bonnes pratiques.
5 – Aristoloche pistoloche
Les aristoloches sont protégées en tant que plantes hôtes de papillons menacés. Particulièrement l’aristoloche pistoloche :
C’est une petite plante aux fleurs sombres que vous aurez du mal à voir contrairement à l’aristoloche clématite qui fait un mètre de haut avec des fleurs jaunes. Les deux plantes se ressemblent beaucoup malgré la taille, leurs fleurs en forme de saxophone, ou de bec de pélican, sont significatives. Si jamais vous la rencontrez, pensez à nous le signalez. Et n’y touchez pas, au sens strict. Il pourrait y avoir des œufs ou des chenilles d’un papillon protégé.
Toutes ces plantes sont en ce moment dans la nature et vous les croiserez peut-être. Il y a tout un monde dans les plantes qui nous entourent. Pensez à les protéger. Faites passer le mot : Pas de cueillette inconsidérée !
B – Précisions sur nos conseils
1 – Récolte nomade
Plutôt que d’épuiser un coin, ramassez vos plantes tout le long d’une balade en prenant soin d’en laisser une bonne partie. Ne coupez pas à ras le thym ou la roquette mais prélevez seulement quelques branches par individu. Laissez un poireau sur deux et remettez les bulbes naissant dans le trou. Coupez proprement les plantes, évitez de les blesser.
Si vous procédez correctement, vous devriez toujours retrouver « vos » plantes dans une zone. Même si d’autres ramasseurs partagent vos coins.
Une erreur est toujours possible. Soyez prudents. Pour vous. Pour les plantes.
2 – Ne ramassez que ce que vous connaissez et que vous utiliserez
Des espèces insoupçonnables sont protégées. Nous avons dans la région un pissenlit des marais et un trèfle. Si vous avez un doute, ne ramassez pas. Prenez une photo, un croquis ou des notes et cherchez l’avis d’un spécialiste ou dans de la documentation. Ne mangez que ce dont vous êtes absolument sûrs et certains. Les poisons ne laissent pas de place à l’erreur.
3 – Pour l’ornement
Beaucoup d’espèces qui intéressent les jardiniers sont vivaces et/ou à bulbes. Elles poussent en fonction d’associations avec d’autres plantes par l’intermédiaire de champignons. Les transplanter risque de leur être fatal. Privilégiez les graines, là encore, sans récolter toutes les graines d’un endroit. Vous pourrez sans doute faire venir du pavot, du coquelicot, voire des plantes comestibles comme la roquette, la sauge ou le poireau.
4 – Ne touchez pas aux orchidées
Pour les orchidées sachez que beaucoup sont protégées, même parmi celles qui ne sont pas menacées ou qui vous semblent abondantes. Aucune ne doit être cueillie pour un bouquet ni transplantée*. Ne serait-ce que parce que les chances de succès sont quasiment nulles.
Il est aussi très hasardeux de les faire venir par graine, le lien avec les champignons est vital pour elles (laisser les graines dans la nature sera certainement plus profitable à l’espèce).
La meilleure méthode serait de ne rien faire. Les orchidées apparaissent parfois spontanément dans des terrains privés non labourés et non traités. Mais si un orchis vient, que ferez-vous du terrain une fois ces plantes protégées installées ?
D’autres espèces devraient rester dans la garrigue : Narcisses, iris jaune, anémones… Préférez les cultivars horticoles.
* S’il s’agit d’un sauvetage (terrain qui va être retourné ou urbanisé), la transplantation pourrait être envisagée mais demandez des conseils à des spécialistes, voire leur participation. Pour les espèces saprophytes, ne vous faites pas de faux espoir, tant elles dépendent du champignon…
Crédit Photo ©ysenquin